Introduction
Depuis près de vingt ans, Octo déploie ses logiciels au cœur d'environnements opérationnels ultra-complexes. Nos solutions tournent dans des labos de recherche, des usines, sur des plates-formes pétrolières, dans des fermes de serveurs et des clouds multi-locataires. Nous avons affronté des architectures allant des terminaux « écrans verts » COBOL jusqu'aux toutes dernières plateformes d'edge computing. Ces déploiements variés nous ont appris l'essentiel : l'interopérabilité est décisive — autrement dit, les technologies qui permettent à une architecture de données de se brancher de façon stable et sécurisée sur d'autres systèmes.
« Votre système est-il interopérable ? » La question revient dans la plupart des audits IT. Et pourtant, elle éclaire peu. Comme « conduisez-vous bien ? », elle appelle des « oui » trop sûrs d'eux. Beaucoup d'éditeurs revendiquent une interopérabilité que dément l'effort réel à fournir pour relier deux systèmes. L'interopérabilité a mille nuances, et rares sont les systèmes de données capables de se connecter aux autres avec une vraie souplesse et une vraie efficacité.
Dans ce billet, nous passons à la pratique : que recouvre l'interopérabilité, et comment distinguer les solutions « techniquement interopérables » (au prix de lourds développements et de coûts élevés) des solutions « vraiment interopérables » (avec des connecteurs standard, préintégrés, et un effort minimal).
Qu'est-ce que l'interopérabilité ?
C'est la capacité d'un système à se connecter à d'autres, de façon standardisée et performante. Ces liaisons débloquent une foule de fonctions en aval : migration de données, partage multiplateforme, recherche fédérée, mise hors service de logiciels obsolètes.
Pour répondre à « Qu'est-ce que l'interopérabilité ? », on commence par le rôle du système et par les artefacts de données qu'il produit et que d'autres systèmes peuvent exploiter. Un système dédié à la collecte doit exposer les données et les métadonnées pertinentes. Un système qui gère le nettoyage, les transformations ou la logique métier doit permettre d'extraire le code sous-jacent pour le réutiliser ailleurs. Bref, tout ce que le système fabrique — produits et sorties — doit être accessible et exploitable par des systèmes externes.
L'interopérabilité, ce n'est donc pas seulement « se connecter ». Les écosystèmes de données génèrent des informations variées ; pour être réellement interopérable, il faut relier les systèmes et préciser quoi partager, quand, et comment. C'est crucial : beaucoup de logiciels offrent bien des endpoints vers d'autres systèmes, mais sans la souplesse d'exporter tous les artefacts utiles au bon format, avec la bonne structure et au bon rythme pour un usage opérationnel. Le schéma ci-dessous illustre des familles de produits de données qu'un système doit pouvoir partager ou extraire s'il prétend à l'interopérabilité.
Quels problèmes reviennent le plus souvent ?
Il existe mille façons de mal interagir avec l'extérieur. Les classiques :
- Le système utilise des formats maison, illisibles par des outils tiers. Fréquent avec des développements internes ou des solutions sur mesure créées par des cabinets IT, mais aussi avec des logiciels propriétaires très spécialisés qui finissent en verrouillage fournisseur (voulu ou non). Résultat : des produits de données inaccessibles sans adaptateurs coûteux ou fragiles.
- Le système n'autorise pas l'export. Pas de mécanisme simple et reproductible pour sortir des extractions, souvent faute d'accès back-end et de schémas d'autorisations adaptés. On passe des heures à configurer, on paie des tiers pour des extractions ponctuelles : coûts et dépendances évitables.
- Le système limite l'ampleur des exports. Toute la donnée résidente n'est pas exposée. Des contraintes techniques plafonnent la taille des exports et empêchent une synchro temps réel entre systèmes.
- Le système restreint les types de données extrayables. Avec l'évolution, certaines solutions n'absorbent plus les volumes, les nouveaux types ou même l'extraction d'éléments précieux comme les métadonnées. Des endpoints d'API figés deviennent obsolètes à mesure que le périmètre initial s'élargit.
- Le système manque de protections solides. Ouvrir des passerelles de partage accroît le risque de fuite ou de perte. Tout point d'extraction non chiffré, non authentifié, non audité crée un risque.
Pourquoi l'interopérabilité compte-t-elle autant ?
Parce qu'elle maximise l'efficacité présente et future des systèmes de données. Elle lutte contre « l'entropie des données » — la dérive naturelle vers le chaos — et apporte des bénéfices immédiats :
- Plus de collaboration entre équipes et métiers ;
- Des sorties réutilisées d'un système à l'autre, dans d'autres contextes, workflows ou usages ;
- Des migrations rendues possibles, pour des raisons stratégiques ou réglementaires ;
- De meilleures performances et décisions en acheminant les données vers les systèmes les plus adaptés (modélisation, reporting, analyse, etc.) ;
- La possibilité d'éteindre (« sunsetter ») des systèmes obsolètes ou inefficaces.
Garder un écosystème de données ordonné demande de la vision et de la constance. En pratique, les solutions s'ajoutent au fil des ans, chacune pour une fonction en silo. La complexité grimpe, et l'IT finit par entretenir les systèmes plutôt que de servir les objectifs globaux. La « queue qui remue le chien » : fréquent dans les grands groupes, où plusieurs lignes de métier piochent dans un socle large et chevauchant de sources. On achète de nouveaux outils pour de nouveaux besoins, on produit de nouvelles sorties à gérer. Les logiciels en place, eux, accumulent la donnée et deviennent durs à remplacer, même s'ils ne répondent plus aux besoins. Beaucoup de systèmes en fin de vie survivent ainsi, à grands frais, via du support sur mesure.
Plus un écosystème grossit, plus il se désorganise si l'on empile des points de solution. Pour garder la main, chaque système doit embarquer des capacités d'interopérabilité. L'interopérabilité résout ce casse-tête : un échange d'information sécurisé, fiable, robuste (données, modèles, code, etc.) avec d'autres systèmes, via des protocoles ou méthodes standard. À la clé : moins de redondance et de duplication, et des migrations fluides quand il faut déplacer des données ou éteindre un système.
Quand chaque système sait partager de façon exhaustive et dans les temps, on libère tout le potentiel pour lequel il a été conçu. Sans cela, les systèmes poussent en vase clos, l'organisation hérite d'un paysage fragmenté et les utilisateurs d'un environnement isolé.
Exigences
- La solution propose, dès l'installation, des capacités prêtes à l'emploi donnant un accès à la demande aux informations critiques. Les organisations le savent désormais : posture ouverte et interopérable ou inefficacité à terme. Le « vendor lock-in » fondé sur des formats propriétaires ou des endpoints fermés/manquants n'a plus sa place. L'interopérabilité est un composant de base, à inscrire dans l'architecture dès le premier jour. Exports avec latence et contraintes minimales, couverture complète pour extraire et partager tous les contenus et produits de données pertinents.
- La solution donne un accès complet non seulement aux données, mais aussi aux métadonnées, au code, aux règles métier et aux produits de données. Connecter les systèmes et faire collaborer les utilisateurs exige plus que la simple donnée. Les plateformes d'entreprise stockent, servent et produisent de multiples informations — données, attributs (métadonnées), résultats de modèles — toutes doivent être accessibles aux systèmes externes et aux différents profils.
- La solution expose des points de connexion sécurisés via des API et interfaces aux normes du marché. On suit les standards : API standard, pilotes pour extraire données, métadonnées, logique et autres informations vers des outils tiers. En s'appuyant sur des connexions standard (REST, ODBC, JDBC), on maximise accessibilité, cohérence et sécurité pour se brancher à d'autres plateformes et outils.
- La solution exporte toutes les données et tous les produits de données vers des formats ouverts et lisibles. Trop de systèmes produisent des artefacts propriétaires. Les convertir demande des parseurs ou du code ad hoc : perte de temps, sorties inutilisables, utilité globale amputée puisque données et résultats ne se réemploient pas facilement ailleurs. Exiger des formats ouverts d'emblée permet la réutilisation et simplifie l'extraction quand le logiciel arrive en fin de vie.
- Les endpoints de requête et d'extraction sont sécurisés, authentifiés et auditables. Sans sécurité intégrée, la donnée s'expose. Il faut donc que chaque endpoint soit protégé, authentifié et traçable. Concrètement : des mécanismes de responsabilité pour savoir quelles données sont tirées, par qui, quand. On limite ainsi les abus (recherches/extractions trop larges) et on gagne en transparence pour garder la maîtrise. Sans ces garde-fous, le risque de brèche et de mauvais usages grimpe fortement.
- La solution inclut des capacités en libre-service pour extraire l'information. Sans libre-service ou SLA ferme, on dépend de tiers pour un support à temps et de qualité — un risque. Le libre-service, c'est la doc, les API, les points de connexion et les droits pour agir directement dans la plateforme, côté utilisateurs comme administrateurs. Ces fonctionnalités réduisent le temps, le stress et la charge organisationnelle habituels lors des exports.
Conclusion
Pour se développer de façon cohérente et résiliente, les organisations posent des exigences fortes d'interopérabilité sur leurs logiciels. Faire de l'interopérabilité une capacité native et en libre-service, c'est garantir la pertinence et l'impact d'un système dans la durée. Exiger ces fonctionnalités dès le départ — connecteurs standard et préintégrés, possibilité de spécifier quoi, quand et comment partager entre systèmes —, c'est s'assurer de garder la main sur ses données, même quand l'écosystème se complexifie.